Bernard Rubinstein, dit » Rubi » était une figure du journalisme nautique. C’était un fidèle des soirées annuelles des Mémoires de la Mer. Olivier Le Carrer, journaliste, écrivain et navigateur, le salue ici au nom de l’équipe des Mémoires.
LES MILLE ET UNE PAGES DE BERNARD RUBINSTEIN
À 74 ans, le journaliste de Voile Magazine n’avait toujours pas raccroché ni son stylo ni son ciré, continuant à aligner les reportages sur ses sujets de prédilection : essais de voiliers, culture maritime, portraits des grandes figures de la mer. La maladie a eu raison le 13 juin dernier de son insatiable appétit de connaissance. Sans l’avoir prémédité, Bernard – dit Rubi dans le monde nautique – a eu le nez creux : il avait bouclé l’été dernier un livre de souvenirs (40 ans à la barre, les carnets d’un marin journaliste – Glénat) qui propose un dépaysant voyage au travers des plus jolies rencontres de son long parcours.
Travaillant moi-même pour une revue concurrente (Bateaux), j’ai eu le plaisir de le croiser pendant plus de 40 ans sur toutes sortes de voiliers et d’évènements. Mais reconstituer sa trajectoire n’est pas chose si facile, car il aimait davantage parler de la mer d’aujourd’hui et de demain que raconter les histoires d’hier… Essayons tout de même : enfance à Rennes, vacances à Saint-Malo, apprentissage du dériveur sur un Mousse aux Sables d’Olonne, maîtrise de chimie, régates un peu partout, et un poste de prof de maths à Redon pour commencer une carrière « sérieuse ». Puis Bernard Rubinstein change de cap grâce à une rencontre déterminante : un ancien équipier de Pen Duick III lui présente Eric Tabarly qui l’embarque dans l’aventure de la première Whitbread autour du monde à bord de Pen Duick VI. La course tourne à la galère (deux démâtages…) mais lui permet de faire la connaissance de Daniel Gilles, rédacteur en chef de la revue Neptune Nautisme, qui lui demande un bref « papier » sur le retour de Pen Duick VI à Brest. En 1976, Rubi signe son premier gros article : un austère sujet sur la production de froid à bord qu’il doit sans doute à sa formation scientifique… Suit un reportage à Ouessant en compagnie de Bernard Deguy sur les « veilleurs et feux du large », qui signe à la fois son entrée officielle dans la rédaction et le début d’une passion jamais démentie pour les phares; il en fera même un sujet de collection et participera à une exposition sur ce thème au Musée de la Marine.
Pilier de la revue pendant les décennies suivantes, Rubi finit par changer de titre grâce à un parfait alignement de planètes : à l’automne 1995, au moment même où le motonautisme est en train de prendre le pouvoir au sein de la rédaction de Neptune (devenu Neptune Yachting), le photographe William Borel lance Voile Magazine et propose à Bernard Rubinstein de participer au projet. Rubi va en être un rouage essentiel pendant plus de 20 ans; son inséparable pipe devient même un logo emblématique de Voile Mag : à l’endroit, elle souligne un bon point du bateau essayé, retournée elle signale un défaut…
Bernard se sentait chez lui dans la grande famille du nautisme, toutes branches confondues : du monde des professionnels à celui des pratiquants, en passant par l’association Éric Tabarly dont il était vice-président. Au nom de l’équipe des Mémoires de la mer je transmets mes amicales pensées à Christine, sa compagne, et à ses proches.
Olivier Le Carrer