Le film lauréat des Mémoires de la Mer 2020 « Poisson d’or, Poisson Africain », réalisé par Moussa Diop et Thomas Grand était un cri d’alarme sur les conséquences de la surpeche industrielle chinoise au Sénégal.
Le réalisateur Frédéric Brunnquell en témoignait ainsi dans son commentaire :
« Poisson d’or, poisson africain porte la force de la découverte ethnologique dans ce qu’elle a de meilleur. Le film nous plonge dans le monde inconnu et saisonnier de la pêche à la sardinelle et de son exploitation au large des côtes sénégalaises. C’est un film absolu dont la précision puise dans le meilleur du grand reportage et y ajoute la justesse empathique et la compréhension fine du meilleur des documentaires. Nous découvrons les réalités complexes d’une communauté provisoire composée d’enfants, de femmes et d’hommes venus de toute l’Afrique de l’Ouest exploiter la ressource abondante en poissons des côtes de la Casamance.
Le film révèle que sur ces plages l’organisation complexe de ces pêcheries artisanales fait vivre toute une région qui s’étend sur plusieurs pays voisins. L’arrivée inéluctable de navires industriels et de la construction d’usines, à capitaux chinois, de farine de poissons menace tout cet équilibre économique à la sociologie si riche »
Le Monde du 12 janvier dernier, dans un article de Frédéric Bobin – « Au sud de Dakar, les ravages de la pêche chinoise » montre que la menace n’était pas imaginaire..
« A Mbour, à 70 km au sud de Dakar… les pêcheurs locaux estiment la chute de leur activité à deux tiers en dix ans. Les dégâts sociaux d’un tel recul ne peuvent être que sévères dans un pays où la pêche artisanale fournit autour de 600 000 emplois directs et indirects, soit 17 % de la population active. Les femmes impliquées dans la transformation de la ressource en « poisson séché » ou » poisson braisé « , aliments précieux car facilement conservables, figurent parmi les victimes collatérales de cet épuisement des ressources halieutiques. Et ce d’autant plus qu’elles doivent subir la concurrence d’usines d’huile de poisson- dont les chinois sont très friands pour leur aquaculture- qui prolifèrent sur le littoral atlantique de la Mauritanie à la Guinée-Bissau. »
Frédéric Bobin mettait en lumière les méthodes utilisées par la pêche industrielle chinoise pour contourner les réglementations locales : » Aucun accord de pêche n’ayant été signé entre Dakar et Pékin, les chalutiers chinois opèrent en général sous la couverture d’un prête-nom sénégalais enrôlé dans une société mixte. »
D’où les doutes sur la légalité de l’attribution des licences de pêche au Sénégal exprimée dans un rapport de Greenpeace Africa d’octobre 2020.
Plus troublant encore, une manipulation des données du système d’identification automatique (AIS) broulle la localisation des navires chinois… Dès 2016, un rapport de l’ONG Global Fishing Watch avait identifié les navires chinois comme coutumiers des localisations fallacieuses »
Décidément, le braconnage en mer à grande échelle ne se limite plus aux seuls navires pirates dénoncés par d’autres ONG comme Sea Shepherd ( Lire » A la poursuite du Thunder ») ni aux eaux internationales !
Benedict Donnelly