« C’est un véritable ouvrage militant qui nous est offert avec cette Histoire interdite. Très bien informé, avec pièces à l’appui ( toute la fin de l’ouvrage est consacrée aux documents d’archives) et une démonstration efficace qui emporte l’adhésion du lecteur.
Plus qu’une B.D., c’est un dossier à charge, illustré, que les auteur-e-s ont voulu proposer au sujet d’une pollution non seulement morbide mais mortifère due à la prolifération des algues vertes sur la côte nord de la Bretagne, et tout spécialement dans la partie occidentale des Côtes d’Armor. Les premiers phénomènes inquiétants furent connus dès 1989 même si c’est surtout avec l’accident du cavalier et la mort de son cheval à Saint-Michel en Grève en juillet 2009 que le grand public commença à être sensibilisé à ce problème grave.
Le livre, organisé autour de faits précis, de rappels scientifiques indispensables et vulgarisés met très bien en valeur le rôle essentiel des lanceurs d’alerte (médecins, associations de défense de l’environnement) et la responsabilité écrasante des pouvoirs publics à tous les niveaux en raison d’un aveuglement assumé (préfecture, services sanitaires, procureurs, ministres), celle du monde paysan et de ses syndicats d’éleveurs porcins au sein de la F.D.S.E.A. des Côtes d’Armor ; celle des lobbies bretons soutenus par un Jean-Yves Le Drian qui n’en sort pas grandi (sans jeu de mots puisque le président de la Région Bretagne est toujours représenté par un personnage minuscule et une sorte de marionnette!)
De la négation du problème au nom de l’activité agricole et touristique à sa lente prise en compte, le livre est construit comme une enquête policière : une enquête passionnante, préoccupante face aux dénégations et aux mensonges d’État, qui doit se lire avec lenteur alors que l’on est parfois pressé de connaître la suite.
Le graphisme, ici et là a minima mais volontairement réaliste à travers la silhouette croquée des acteurs, avec ses couleurs appuyées autour des bleu-vert, est bien au service d’un texte parfois un peu envahissant en dépit de la respiration proposée par quelques pleines pages très bien venues à travers le parti-pris de leur composition, de leurs coloris et de leurs sujets. Et même si, par souci didactique, quelques retours en arrière rompent un peu le fil du récit, il faut prendre connaissance urgemment de cette B.D. très originale, engagée, essentielle face à une situation qui ne s’est pas toujours véritablement améliorée.
Alain Cabantous
Les algues vertes : 30 ans déjà !
Comme le rappelle Alain Cabantous, 30 années se sont écoulées depuis l’émergence préoccupante des algues vertes sur le littoral breton.
Le prix BD 2020 des Mémoires de la Mer a un premier mérite : celui de nous rafraîchir la mémoire ! Et, ce faisant, de chercher à comprendre les raisons d’une impuissance persistante, enracinée depuis l’origine dans le déni.
Les faits regroupés et mis bout à bout par Inès Léraud parlent d’eux-mêmes et constituent un implacable réquisitoire contre l’inaction malgré tous les signaux d’alerte, sans qu’il soit forcément besoin d’en appeler à l’efficacité du « lobby breton ».
Au demeurant, si les marées vertes se sont enracinées en Bretagne, elles s’étendent aujourd’hui bien au-delà du seul littoral breton .
La BD Algues Vertes est donc un achat de première nécessité en Bretagne et ailleurs !
Puisse t’elle devenir le livre de chevet des responsables publics et infirmer le propos de l’économiste américain John Kenneth Galbraith, selon lequel « en politique, rien n’est plus admirable que d’avoir la mémoire courte. »
Benedict Donnelly